Prise de son au couple stereo - 2001
Par Jean Michel Bocéno

Introduction


Je " fréquente " le forum depuis quelques années, et cela m'a permis de constater l'intérêt de certains pour la prise de son, le but de cette rubrique est de les aider en leur apportant quelques notions de base.

Dans le but de rendre cette rubrique accessible au plus grand nombre, j'ai fait le choix de limiter au maximum les références à des notions de physique ou de mathématiques, par conséquent les trapus seront frustrés, mais ceux-la ont sans doute d'autres sources d'information.

Il s'agit bien ici de vulgarisation, pas d'un cours approfondi, certains aspects ne sont pas évoqués. Mais il y a déjà matière à réflexion.

Néanmoins toute critique ou suggestion sera la bienvenue, si elle est aimable et constructive !


Pourquoi un couple


La solution la plus accessible à l'amateur est la prise de son à l'aide d'un couple de micros, elle évite l'investissement dans un parc de micros, une console de mixage et des périphériques dont la qualité sera " moyenne " à moins de vous endetter pour plusieurs décennies. De plus cette solution offre des possibilités que ne peuvent pas forcément égaler d'autres systèmes, notamment en terme d'image.

Le matériel se limite donc à deux micros, un système d'enregistrement (DAT, minidisc, magnéto à bandes, soft sur PC ou Mac avec carte son, magnétoscope HiFi, Graveur CD, préampli pour micros éventuellement), un systéme d'écoute (casque ou mieux enceintes), le câblage et les accessoires (pied de micro, pinces, barrette de couplage pour le couple, Twingo pour le transport, etc).


Le choix du matériel


Le choix du matériel pour un amateur s'apparente un peu à la recherche du mouton à cinq pattes avec une dent en or, il faut bien définir ses exigences, évaluer ses moyens et ne pas hésiter à se faire conseiller (pas forcément par le vendeur ! mais ça vous le saviez).

Le système d'enregistrement

Un tableau, vaut mieux qu'un long discours...

Les appréciations concernant la qualité sont bien évidemment relatives et/ou subjectives (en fait trés peu subjectives !).

J'ai écarté le "mini-K7" (obsoléte et de qualité insuffisante), les enregistreurs MP3 (autant prendre du minidisc, c'est mieux et moins cher), et les systèmes du monde pro, c'est hors de propos.

Type Points forts Points faibles Coût
DAT Qualité, fiabilité, autonomie en énergie Bande (pas d'édition, peu souple), qualité des préamplis, A partir de 4kF + 60F/h
Minidisc Souplesse, fiabilité, édition simple, autonomie en énergie Compression de débit, qualité des préamplis A partir de 1,5kF + 25F/h
Mag à bandes Analogique, fiabilité Analogique, bandes, nécessite de l'entretien (réglages),disparité des caractéristiques d'une machin à l'autre ? (occase) + 100 à 200F/h
Mac ou PC Souplesse (montage, correction, gravure...) Qualité des cartes son grand public, risqué en live, un peu usine à gaz A partir de 10kF + 10F/h (stockage sur CDr)
Scope HiFi Autonomie en temps d'enregistrement Qualité des préamplis, bandes (peu souple), souvent un CAG en entrée A partir de 2,5kF + 25F/h
Graveur de CD Qualité Pas sûr, pas souple, pas de préampli A partir de 2,5kF + 10F/h



Les préamplis

Les ennuis commencent. Vous constaterez que , sauf exception trop rare, les préamplis intégrés dans les machine grand public (et même professionnelles parfois !) sont de médiocre qualité. Le coût d'un préampli est par ailleurs élevé. Moralité, pour l'amateur c'est pas la joie !

Personnellement je conseille trois solutions :

  • le bricolage si vous êtes un as du fer à souder,
  • utiliser le préampli inclus dans la machine, s'il existe, pour se faire la main (aux répétitions par ex.), et on loue un préampli de qualité pour les grands événements (concert).
  • l'achat d'une petite console genre Soundcraft, Berhinger ou Mackie (il en existe d'autre), pour moins de 2000 F.

Les micros

Le choix des micros est difficile et important. De plus il n'est pas aisé pour un amateur de se faire pr'ter une paire de micros pour les essayer en situation, et comme pour le reste du matériel audio, la lecture de la fiche technique ne suffit pas. Sans entrer dans les détails, on classe les micros en deux grandes familles, les dynamiques (bobine mobile dans un entrefer, comme un HP) et les statiques (condensateurs).

Il existe d'autre espéces, mais rares (par ex les micros à ruban).

Les dynamiques sont les rois de la scéne, ils encaissent les forts niveaux et les coups sans broncher, sont peu sensibles au larsen et au vent, mais souvent leur bande passante est écourtée et leur courbe de réponse accidentée. Ils ne nécessitent pas d'alimentation. Les marques réputées pour leurs micros dynamiques sont Shure, Beyer, AKG, Audio-technica, Electro-Voice, Sennheiser, etc.

Les statiques se subdivisent en deux parties, les statiques à polarisation permanente (électrets) et les autres. Ils ont pour caractéristique commune d'héberger un préampli (Fet ou lampe) qui nécessite une alimentation (pile ou fantôme). Ils ont en général une bande passante étendue (par rapport aux dynamiques) voire trés étendue, sont sensibles au vent, aux coups, aux forts niveaux, mais sont plus respectueux des timbres. C'est évidemment en général un bien meilleur choix, mais aussi plus coûteux. Les marques réputés pour leurs micros sont Schoeps, DPA, Neumann, AKG, Sennheiser, mais aussi pour l'amateur, des marques dont les produits bénéficient d'un bon rapport qualité prix : Rode et Oktava, ces derniers sont difficiles à trouver, mais ils sont d'une excellente qualité en regard de leur prix.

Les électrets sont moins chers et peuvent en général être alimentés par pile, c'est pourquoi ils sont une solution interessante pour l'amateur peu fortuné. Mais prenez des modéles à sortie symétrique basse impédance, on a trés vite fait de tirer 30 métres de câbles dans une église ou une salle de concert, et en asymétrique haute impédance vous n'avez plus rien de correct au bout de quelques métres.

Une caractéristique importante est la directivité, j'y reviendrai bientôt.

Comptez 2000 F la paire de micros électrets, à partir de 5000 F pour des statiques.

Dans tous les cas, les deux micros doivent être identiques (même marque, même modéle), et ne pas souffrir pas de disparité de caractéristiques.

On peux trouver des micros d'occasion, si cela vous tente, essayez de vous faire conseiller par un connaisseur et exigez une garantie d'échange ou de remboursement, les micros (notamment les statiques) sont fragiles et peuvent tomber, par conséquent l'achat d'occasion présente quelques risques...

Le reste du matériel

Vous trouverez toutes les infos sur le forum !

Juste un conseil, le contrôle au casque pose problème et demande une grande habitude, préférez l'écoute sur enceintes, choisissez un modéle transportable ( je ne conseille pas le systéme de Dan ) et peu sensible au local (c'est une des raisons pour lesquelles les professionnels apprécient les enceintes dites de proximité).


Les données du problème


Les choix techniques étant effectués, passons aux travaux pratiques.

Quelle est notre ambition ?

Soyons modestes, restituer l'impression du concert nous suffira ! (Voilà une phrase susceptible d'entraîner 14 578 962 posts dans le forum, et de provoquer un afflux de nouveaux locataires sur les portes de granges !).

Pour ce faire, le preneur de son devra placer et régler son couple de manière à :

  • équilibrer harmonieusement la source et l'acoustique du lieu (équilibre son direct/réverbération)
  • créer une image crédible entre les enceintes
  • évoquer la profondeur de la source
  • ne pas en dénaturer les timbres (ou le faire intentionnellement), ou l'équilibre des pupitres d'un orchestre.

Le programme est tout de même chargé !

De l'influence de la directivité

Les micros se classent aussi par famille de directivité :

  • les omnis, dont la sensibilité est constante dans toutes les directions.
  • les cardioïdes et leurs cousins Hypo et Hyper, dont la sensibilité diminue lorsqu'on s'écarte de l'axe du micro (leur courbe de directivité ressemble à un coeur).
  • les bi-directionnels,dont la sensibilité est maximum des deux côté de la capsule (mais avec une inversion de phase d'un côté).



Nous allons surtout nous intéresser aux cardioïdes.

L'impression de distance est due à la proportion de son direct par rapport au son réverbéré (plus la part de son direct est grande, plus la source semble être proche).

Faisons une expérience : plaÁons un copain musicien dans une chapelle à un mètre d'un micro cardioÔde et dans l'axe de celui-ci. Puis faisons tourner progressivement ce micro de 180°. L'impression ressentie à l'écoute (le mieux est de le constater vous m'me) est bien sur une baisse de niveau, mais surtout, votre ami s'éloigne (la part de son direct diminue alors que celle de réverbération reste sensiblement constante).

Il faut garder cette expérience dans un coin de votre tête lorsque nous aborderons le réglage du couple.

D'autre part, la directivité influence " la réponse dans le bas ", plus un micro est directif, moins sa réponse dans le grave est étendue. Ceci n'est pas dû au hasard, mais croyez moi sur parole, SVP. C'est aussi pourquoi peu d'ingénieurs du son utilisent ce type de micros (j'ai dit "peu", pas "pas")

Réglage du couple

Nous pouvons intervenir sur deux choses : l'angle que font les deux micros entre eux, et la distance qui les sépare.

Un peu de physioacoustique peut aider à comprendre. L'information de localisation d'une source sonore est due à deux phénoménes (en premiére approximation) : la différence de niveau perçue par chacune des deux oreilles (si une source se trouve à votre gauche, l'énergie sonore sera plus importante au niveau de votre tympan gauche CQFD), et/ou l'écart temporel (ce son sera entendu par votre oreille gauche avant votre oreille droite).

Notez bien que ces deux phénoménes n'expliquent pas tout, car vous savez trés bien si un son provient de devant vous, de derriére vous ou du dessus, et ni la différence de niveau, ni l'écart temporel ne permettent de vous donner cette info !

A titre indicatif, il faut un retard d'environ 1,12 ms ou un écart de niveau de 15 dB entre les voies gauche et droite pour qu'une source semble provenir d'une des deux enceintes.

- Pour créer une différence de niveaux entre les sons provenant d'un côté et ceux provenant de l'autre il faut utiliser des micros cardioïdes, et en diriger un à droite et l'autre à gauche (les sources provenant de gauche se trouvent devant une zone plus sensible du micro de gauche et sont donc reproduites avec plus de niveau).

- Pour créer un écart temporel entre les sons provenant d'un côté et ceux provenant de l'autre, il faut écarter les micros l'un de l'autre (les sons provenant de la gauche atteignent le micro de gauche avant celui de droite). C'est d'ailleurs le seul moyen de faire de la stéréo avec un couple de micros omnidirectionnels.

On peut combiner l'angle et l'écartement. On obtient ainsi un couple dont la premiére caractéristique intéressante est l'angle de prise de son stéréophonique (APS), c'est un peu l'équivalent de la focale d'un objectif photo. Attention, il ne faut pas le confondre avec l'angle que font les micros entre eux.

Si l'APS de votre couple est trop grand, aucun instrument ne se fera entendre aux limites gauche et droite de votre systéme de reproduction, l'image sera étroite. Si l'APS est trop petit, les musiciens des côtés semblerons s'être assis les uns sur les autres à l'intérieur de vos enceintes.

Plus l'angle entre les micros augmente, plus l'APS diminue. Plus l'écartement des micros augmente, plus l'APS diminue.

L'idéal est de faire coïncider l'APS avec la largeur de la scéne sonore vue de votre couple.

Voici quelques valeurs (approximatives) de l'APS pour des couples de micros cardioïdes. Ces valeurs sont indicatives, elles varient en fonction de la courbe de directivité de vos micros et vous devrez l'affiner avec l'expérience.

Angle entre les micros Ecartement des micros Angle de prise de son
130° 30 cm 65°
130° 22 cm 70°
90° 30 cm 75°
110° 22 cm 85°
110° 17 cm 95°
90° 22 cm 95°
110° 12 cm 105°
70° 22 cm 105°
90° 17 cm 105°
90° 12 cm 120°
70° 17 cm 125°


Les valeurs de ce tableau sont issue de travaux menés par Michael Williams sur le couple stéréo variable.


C'est le moment de vous souvenir du paragraphe sur la directivité. Pensez que si vous utilisez un angle important entre les deux micros, une source se situant au centre semblera s'éloigner car elle se retrouvera dans une zone de faible sensibilité de vos micros.

Placement du couple

Non mais dans quelle galére je me suis foutu !

Je ne vais pas vous dire ou le placer, je ne sais pas. Mais je vais tenter de vous donner des éléments de réflexion.

Prenons comme exemple la prise de son d'un orchestre symphonique, en concert (impossible de déplacer les musiciens).

L'emplacement de votre couple va influer sur plusieurs caractéristiques :

  • l'équilibre entre le son direct et la réverbération,
  • la disposition des différents instruments en largeur et en profondeur
  • les timbres de ces instruments
  • l'équilibre entre les différents pupitres

- Dans un premier temps, pour les besoin de la démonstration, plaçons le couple assez bas (hauteur des épaules).

L'équilibre entre le son direct et la réverbération, dépendra de la distance entre le couple et l'orchestre (plus il est proche, plus la part de son direct est importante), mais, de cette distance dépendra aussi la largeur et la profondeur de l'orchestre. En vous approchant, vous étalez l'orchestre vu par le couple en largeur (APS plus grand) et en profondeur ( écart entre les instruments proches et lointains relativement plus grand). Pour compenser vous devrez modifier les caractéristiques de votre couple (angle et/ou écartement), mais la disposition relative des instruments sera de toutes façons modifiée, un peu à la maniére du zoom d'un photographe. N'oubliez pas que quelque soit l'APS de votre système, la reproduction se fera avec un angle égal, voir inférieur à 60°.

- Si, en gardant la distance constante avec le premier rang de musiciens, vous élevez votre couple au dessus de l'orchestre, vous diminuez la profondeur. Mais attention, cette opération influe aussi sur les timbres, sur l'équilibre entre les différents pupitres, et sur la disposition des instruments des derniers rangs en largeur !


Le passage à l'acte


Vous voilà armé de votre matériel flambant neuf (ou pas) dans le coffre de la Twingo, fermement décidé à démontrer que VOUS, vous avez des oreilles en état de marche, et direction la Chapelle St Albertine o˜ un ami donne un concert avec ses potes, au programme concertino pour tubards et sonotones (sur fond de scooter gonflé ! C'est du vécu !).

Remarques :

  • les spectateurs ne sont pas venus vous voir étaler le matériel dont vous ètes tout fiérot, alors essayez d'être discret.
  • les musiciens n'ont pas forcément envie de voir tomber vos beaux micros sur le verni de leur instrument brouzoufivore, utilisez des suspensions fiables ou un pied de qualité dimensionné en conséquence. Vous n'avez sans doute jamais vu tomber un couple de micros, moi si.
  • rangez bien vos câbles et scotchez-les au sol là ou vous ne pouvez pas les faire passer ailleurs, s'ils sont dans un passage.
  • pensez qu'un couple peut être suspendu, c'est pas très facile pour le réglage mais c'est plus discret.


Conclusion


Soyez patient, les résultats ne seront pas au rendez-vous tout de suite (évidement). Faites des écoutes critiques de vos travaux à plusieurs et tentez d'analyser votre prise de son selon des critères définis (fidélité des timbres, présence, placement des sources etc)
Et comme dirait Bijojo, gardez le moral.

Toute remarque sur cette rubrique sera bienvenue sur le forum ou dans ma boîte.


Lexique



Alimentation fantôme Alimentation d'un micro par le câble de modulation
Sensibilité d'un micro Niveau du signal électrique produit par le micro pour un niveau sonore donné. Dans le cas d'un micro cardioïde, elle varie en fonction de la position de la source par rapport à l'axe du micro.
Sortie symétrique Les professionnels utilisent des micros (et pas seulement des micros) à sortie symétrique, c'est à dire avec deux conducteurs. Chacun des conducteurs transporte le signal, mais l'un (appelé le point froid), est opposé en phase. Le préampli inverse la phase de ce point froid et fait la sommation des deux signaux. Les perturbations reçues par le câble, et qui elles arrivent en phase, sont ainsi fortement atténuées.
CAG Contrôle automatique de gain : adapte automatiquement le niveau de modulation en d'entrée, avec pompage et bruits divers. A éviter absolument.
Compression de débit Technique utilisant des artifices de codage et des algorithmes basés sur les connaissances en physioacoustique permettant de réduire la taille des fichiers audio ou le débit dans une chaÓne de transmission numérique (minidisc, MP3, TV numérique). Il ne faut pas confondre avec la compression audio qui, elle, consiste à diminuer la dynamique du signal audio.